Vivatech 2019 a accueilli près de 9.000 startups et groupes internationaux, 450 intervenants, 124.000 visiteurs en 3 jours, sur quelques 56.000 m2. Il fallait être organisé pour optimiser une « visite-marathon » au Parc des Expositions de Paris. Toutefois, l'affiche était attractive : Jack Ma, le fondateur d'Alibaba, invité-vedette de cette édition, Ken Hu, le vice-président de Huawei (en plein bras de fer avec Washington, ndlr), Ginni Rometty, la PDG d'IBM, Yong Sohn, le président de Samsung, Mickey Mikitani, le PDG de Rakuten, Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia mais aussi l'ex-sprinter Usain Bolt et sa trottinette du futur, ou encore la légende d'échecs Garry Kasparov devenu l'ambassadeur VIP d'Avast, étaient attendus à Paris.
Côté politique, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, le président du Sénégal Macky Sall, le président rwandais, Paul Kagame et l'ancien président français, François Hollande, ont participé à la grand-messe du numérique hexagonal. Emmanuel Macron qui avait signé « l'Appel de Christchurch » pour lutter contre le cyber-terrorisme, avec une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernements et de « grands patrons » du numérique, la veille de l'ouverture de Vivatech, est intervenu dès le premier jour du salon, pour soutenir sa vision d'une « Start-up nation » à la française...
Cette année, la mobilité était à l'honneur : l'hélicoptère, modèle-réduit 100% électrique d'Hovertaxi et l'avion au décollage vertical d'Ascendance Flight Technologies, ont fait sensation. Les cabines mobiles autonomes de « 19_19 Concept » tout comme Ami One, la voiture compacte de Citroën, l'exosquelette de Twiice ou la voiture volante d'Aeromobil, ont eux-aussi, attiré les foules...
Comment recruter les talents et faire plus de place aux femmes dans l'économie numérique ou encore, l'Intelligence Artificielle (IA) et le fameux « Tech for good », étaient quelques-uns des thèmes abordés cette année...
Paul Kagamé et Macky Sall : porte-étendards d'une Afrique connectée.
« L'Afrique a raté la révolution industrielle, elle ne va pas rater la révolution numérique », a prévenu Macky Sall, le président sénégalais, lors de son intervention du 17 mai dernier, à Paris. Le développement du secteur numérique est un enjeu prioritaire pour le Président du Sénégal, qui entend le faire peser à hauteur de 10% dans le PIB d'ici la fin de son mandat. Pour atteindre cet objectif, il pourra notamment s'appuyer sur la livraison de la cité du futur sénégalaise, Diamniadio, attendue pour le mois de juillet prochain. « L'Afrique n'exporte pas que de grands joueurs ou de grands musiciens, mais aussi des grands cerveaux et des ingénieurs », a précisé Macky Sall, s'appuyant sur les exemples de réussites numériques nationales, aux côtés de Ndeye Tické Ndiaye Diop, ministre de l'Économie numérique et des télécommunications, d'Amadou Ba, ministre des Affaires étrangères et de Christophe Bigot, l'Ambassadeur de France à Dakar.
De son côté, Paul Kagamé, le président rwandais, s'est félicité des 19M$ levés en 2018, pour soutenir le secteur numérique. « Ce chiffre est le résultat de notre investissement dans les technologies. Aujourd'hui, il est simple de créer une entreprise au Rwanda. L'expansion de la fibre optique à travers le pays et la présence de structures comme KLab, facilitent la création d'un environnement favorable », a souligné Soraya Hakuziyaremye, ministre rwandaise du Commerce et de l'Industrie, rappelant par ailleurs, que le Rwanda recherchait 100M$ pour finaliser la construction d'Innovation-City, « l'inachevable » Silicon-valley rwandaise.
La croissance du continent se fera avec le numérique ou ne se fera pas, à rappeler Macky Sall : « Nous n'avons pas le choix. L'Afrique se développera par le numérique, qui est le socle de l'émergence de nos pays. » Afin de soutenir sa politique d'une nation hyper-connectée, le président sénégalais a rappelé que l'Etat était prêt à y investir tous les moyens nécessaires. «Nous avons un fonds de plus de 30 milliards Fcfa par an pour pousser les entrepreneurs, via des ressources financières, un accompagnement technique et des formations », a confirmé Papa Amadou Sarr.
Des startups africaines portées par les poids lourds du CAC 40.
Vinci Energies, Total, Sanofi et la Société Générale ont affiché un soutien sans faille, aux startups africaines, sous leurs vastes pavillons, animés par des délégations très sollicitées. Total a fait le choix d'une exposition 100% Afrique (Sunshine Kiosk, Solstice, etc.) : « Vivatech est un moyen de présenter nos activités de soutien à l'écosystème digital en Afrique » explique Micheal Offredi, Digital Ecosystem et Innovation Officer chez Total, entouré de startups prometteuses issues du sélectif « Challenge startuper » qui a été « lancé dans 37 pays d'Afrique et 55 pays dans le monde, pour soutenir les entrepreneurs africains dans leur phase initiale de création » a-t-il rappelé. Une initiative qui s'accompagne de « l'Emerging Market Fund », un fonds dédié au numérique et doté de 55 millions de dollars.
Les moyens débloqués par les géants du CAC 40 n'ont pas manqué d'attirer les startupers venus des quatre coins du continent... Rwanda, Maroc, Algérie, île Maurice ou encore République démocratique du Congo: l'Afrique était représentée à travers 160 startups. Alors qu'Ashish Thakkar (Rwanda), exposait les 1ers smartphones haut-de-gamme, entièrement fabriqués en Afrique en partenariat avec Google, l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) représentée pour la 1èr fois à Vivatech, recevait la visite de sa Secrétaire générale, Louise Mushikiwabo. « C'est l'occasion d'accompagner une dizaine de startups que nous soutenons depuis plusieurs années à travers 40 incubateurs répartis dans 13 pays africains, dans la santé, l'éducation, les services financiers ou le transport » explique Claire Crochemore de l'OIF.
Amadou Seyni Kountche Abdoul-Aziz de « Drône Africa Service du Niger » se réjouit quant à lui, des sollicitations dont il fait l'objet, pour exprimer le bien-fondé de sa démarche: « beaucoup d'ONG ont abandonné le terrain en raison de la situation sécuritaire régionale: c'est ainsi qu'est né Drône Africa. J'ai pensé à du monitoring à distance et, de fil en aiguille, le projet s'est construit (...) aujourd'hui, nous gagnons en visibilité grâce à l'OIF qui nous permet de participer à Vivatech. » Un enthousiasme partagé par l'Algérienne, Mounia Khoufache, DG d'Imagine Partners, spécialiste du software et du développement de logiciels qui expose tout sourire, les nouveautés de l'année: « Nous avons développé des solutions en IA dans la santé avec des capteurs installés dans les semelles de chaussure, pour calculer le taux de glycémie (...) Nous offrons aussi des data en temps réels pour les compétitions de football ».
De son côté, « Susu Santé », la start-up béninoise, portée par Sanofi, expose ses attentes: « On cherche à lever 5 millions de dollars pour développer nos activités dans 6 pays d'Afrique sur les 2 prochaines années » déclare pragmatique, Bola Bardet, DG de Susu. Quant à Hamza Bendahou, co-fondateur de Sowit, une startup marocaine spécialisée dans l'agribusiness incubée à la Station F, il compte sur cet événement pour trouver de nouveaux investisseurs. Toutefois, parmi la multiplicité d'acteurs du numérique africain, Jumia, la seule licorne du continent (en pleine tourmente suite à l'action judiciaire déposée le 14 mai contre ses dirigeants à New-York, pour fausses informations transmises en amont de son introduction en bourse, ndlr) était... invisible.
Facebook mise sur la formation et l'IA en Afrique
De son côté, Facebook avait dépêché une importante délégation, portée par Nunu Ntshingila, la Directrice régionale du groupe pour Afrique sub-saharienne. « Nous nous concentrons sur la formation des forces vives en matière de recherche et développement. Nous avons développé un programme au Nigéria, NG'Hub spécialisé dans la deep tech et en avril, nous avons remis les premiers diplômes, qui trouveront des applications immédiates dans la vie réelle », explique Proud Dzambuhkira, responsable de développement-produits pour l'Afrique et le Moyen-Orient, illustrant l'«inclusivité» affichée par Facebook.
Parallèlement, le groupe avait déployé les grands moyens pour présenter ses travaux en matière d'Intelligence artificielle (IA), dans la région EMEA. « Longtemps, le contrôle des contenus a reposé sur les internautes qui nous remontaient les informations » explique Olivia Nloga, responsable communication pour l'Afrique francophone. Cette mission est désormais dévolue à de puissants algorithmes, qui ont positionné l'AI au cœur du système Facebook. Aussi, le groupe a-t-il profité de Vivatech, pour ouvrir les portes de son lab de recherche en AI à Paris, en marge du salon. « C'était l'occasion pour Antoine Bordes, l'un des co-directeurs de Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR) de partager son expérience sur l'African Institute for Mathematical Sciences (AIMS) basé à Kigali, qui ambitionne de proposer le meilleur master en machine-learning, au monde. Les plus grands pontes de l'AI s'y retrouvent déjà » a-t-elle poursuivi.
Parallèlement, Facebook devrait annoncer d'un jour à l'autre, l'extension de son programme de formation « Boost your Business » lancé il y a 2 ans au Nigéria, à 6 nouveaux pays (Cameroun, Côte d'Ivoire, RDC, Bénin, Sénégal et Guinée) le 23 mai prochain, afin de former 10.000 entrepreneurs africains en marketing digital sur ses plateformes: de quoi se constituer un puissant vivier de ressources humaines qualifiées, dans « l'outback numérique » africain...